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16/01/2015

211 - "La Grande Fête de la Fraternité"...

Texte écrit le Ve 16 jvr 2015. Publié le même jour, à 18 heures 17.

 

« La Grande Fête de la Fraternité… »

 

Elle était belle, grandiose, la « Grande Fête de la Fraternité », comme une certaine personne, un rien surexcitée, l’a appelée, ce fameux dimanche 11 janvier 2015, au soir, à la radio.

Combien étaient-ils(elles), ces Charlie(s) ? Un million, deux millions, cinq millions ? Encore un peu… Et nous arrivions à dix millions de personnes dans la rue, rien que pour fêter… fêter quoi, au juste ? Douze morts qui sont tombés au champ d’horreur dont seuls quatre ont eu droit de cité pour avoir blessé, sciemment, avec leurs caricatures obscènes, toute une communauté. Douze morts, plus les deux frères qui ont été tués pour avoir tué. Je croyais que la France était un État de droit : les policiers, ont-ils ordre de tuer systématiquement ceux qui tuent, pour empêcher tout procès, pour que « les tueurs » ne puissent pas avoir la liberté d’expression” et, peut-être surtout, pour que la population ne sache pas le fin mot de l’histoire ? Huit jours après, le même hebdomadaire, à grands renforts de publicité, poursuit ses provocations. Et tous les médias, ou presque, d’applaudir, de renchérir… À quand les prochaines victimes ?

Mais revenons à cette « Grande Fête de la Fraternité »… Je dois dire que cet événement m’en rappelle un autre dans l’histoire. C’était en février 1848, dans le royaume de France… La misère descendait dans la rue.

« Le mardi 22 [février], vers neuf heures, des groupes arrivent ; des hommes et des femmes descendent des faubourgs, affluant dans ce quartier riche où d’ordinaire ils ne viennent pas. Aux jets de pierre répondent des charges de cavalerie. » « Le mercredi, dès sept heures du matin, les troupes venues des forts et des casernes se rassemblent. La foule, elle aussi, est là. […]. Les heurts reprennent, de plus en plus violents. En fin de soirée, une véritable tuerie a lieu sur le boulevard des Capucines. La panique s’empare des troupes qui refluent en désordre. Des cadavres, chargés sur une plate-forme, sont promenés dans Paris. Sur le passage du convoi, des barricades se construisent. » « Les combats se poursuivent jusqu’au lendemain jeudi 24. À midi, à la surprise de tous, [le roi] Louis-Philippe abdique et s’enfuit. » « Ces trois journées auront fait 360 morts. » [Pages16-17.]

Après les morts, la création d’Ateliers nationaux est annoncée pour les sans-travail qu’il s’agissait d’amadouer, juste le temps d’élections bien manipulées qui donneront une majorité conservatrice à l’Assemblée. « Dès lors, les bruits vont s’amplifiant concernant le coût élevé des Ateliers nationaux ; on parle même de dilapidation de la fortune de l’État. Or, une comparaison permet de se faire une idée de la relativité de ces allégations : du 5 mars au 31 mai 1848, l’État a dépensé 7.240.000 francs pour les Ateliers nationaux, tandis que du 7 mars au 3 mai 1848, il aura dépensé 120.705.419 francs pour le renforcement de l’armée. » [Pages 18-19.]

« Derrière ces chiffres transparaît une réalité qu’indiquaient déjà certains mouvements de troupes : le gouvernement se donnait les moyens de parer à toute éventualité. En effet, dès le 8 mars – quinze jours après la chute de Louis-Philippe – le Moniteur [journal de l’époque] avait inséré une simple note annonçant la décision du ministre de la Guerre de faire entrer de nouveaux régiments dans la capitale. Des murmures de protestation s’étant élevés dans les faubourgs, le 6ème chasseurs avait été renvoyé en province. Puisqu’une tentative discrète s’était révélée inefficace, le gouvernement décida cette fois d’organiser dans le faste le retour de l’armée à Paris. Une fête gigantesque, la “Fête de la Fraternité”, eut lieu le 20 avril. Comme le rapporte le Bulletin de la République [autre journal de l’époque] : « [L]es tambours battaient la charge, les clairons sonnaient des fanfares ; les officiers levaient au ciel leurs épées nues. » Et plus loin : « Le peuple rappelle l’armée dans son sein, et par une de ces inspirations délicates et irrésistibles du sentiment, il place ses enfants sur les canons de cette terrible artillerie dont il sait bien qu’il n’aura plus jamais rien à craindre. ». » [Page 19.] Deux mois après cette grande “Fête de la Fraternité”… l’armée fera des merveilles…

Les trois journées de juin, 24, 25, 26 , feront des milliers de morts. « Les estimations officielles dénombrent 3.035 tués du côté ouvrier. Les journaux anglais parleront, quant à eux, de 30.000 à 50.000 victimes. L’évaluation la plus répandue et la plus probable fait état de 15.000 morts. Il y aura plus de 25.000 arrestations, dont beaucoup seront transformées, sans jugement, en déportations vers la Guyane ou vers d’autres destinations… » [Page 22.]


Citations extraites de l’ouvrage de
Michel J. CUNY-Françoise PETITDEMANGE,
Le Feu sous la Cendre,
Editions CUNY-PETITDEMANGE 1986, 660 pages.
Cf. http://feusouslacendre.canalblog.com